LES FLEURS COUPÉES NE MEURENT PAS...
L'été de l'année 1985, de juillet à septembre, malgré la maladie et en dépit des lourds traitements médicaux, il put écrire de sa main les pages que voici, dernières gouttes de lumière déposées par Daniel Pons sur une œuvre déjà considérable. Je pense bien entendu à ses œuvres écrites : Etre ou Avoir, Un et Nu, et surtout à ce livre où il se met à nu dans l'éblouissement de sa vision : Le Fou et le Créateur, mais aussi à son œuvre picturale où éclate un même génie, un même regard qui sait voir l'instant, le "ceci, ici, maintenant" des contemplatifs d'Extrême-Orient.
Camille Jordens parle justement ici "d'une prise de conscience globale de soi et de l'univers" ; certes, mais davantage encore d'une prise de conscience qui aboutit à la perfection d'une œuvre achevée.
Daniel Pons à défaut de faire le pèlerinage de Jérusalem, qu'il souhaitait depuis si longtemps, nous a délégué ses œuvres picturales : le poète, visiblement, s'y révèle comme un artiste qui a su renouveler l'art photographique, sur cette ligne de crête qui se situe entre le tableau abstrait et la vision du monde phénoménal.
Voici les dernières lignes de Daniel Pons, il les a écrites à une heure où plus que jamais, il était confronté au mystère de la vie et de la mort, au pourquoi de notre présence sur terre. Son style revêt alors son plus profond dépouillement, sa plus grande simplicité. Les mots qui se pressent dans son esprit et coulent de sa plume sont les plus concrets, les plus précis, les plus simples : églantine, mer, rose, oiseau, scarabée, goutte de pluie, de rosée, rossignol, chant... Cet inventaire, s'il était contenu, décrirait le somptueux paysage intérieur d'un poète en ce "Vol migrateur" où il pénétrait, lucide et vivant dans son éternité...
Comme ces "Fleurs coupées qui ne meurent pas sur le coup", son agonie elle-même demeurait une source de beauté pour nous, dans la pérennité de son chant à jamais présent dans ses œuvres et dans le cœur de tous ceux qui l'ont connu et ne cessent de l'aimer.
André Chouraqui
Jérusalem, mars 1988